Le mensuel pratique et technique
du kinésithérapeute

Evaluation clinique de la fonction de la main dans l'hémiplégie vasculaire

Jean-Pierre Bleton
Kinésithér Scient 2014,0551:35-36 - 10/02/2014

Les habilités motrices de la main se divisent en deux groupes : la dextérité fine, ou habileté à mouvoir essentiellement les doigts, et la dextérité globale qui implique non seulement la main, mais également l’ensemble du membre supérieur.

Bien que la nature de l’habileté manuelle ne soit pas parfaitement claire, la dextérité fine nécessite coordination, rapidité des mouvements (aussi bien fins que grossiers des doigts). Elle est tributaire de la précision des mouvements des doigts, de leur indépendance et de leur utilisation combinée.

Le critère à considérer en premier est l’efficacité des gestes. Les échelles fonctionnelles utilisées pour les évaluer sont nombreuses. Elles analysent l’accomplissement d’un geste produit dans un but bien défini. On parle de dextérité si le geste atteint son but, dans un temps raisonnable, suivant une exécution harmonieuse, dans un espace minimum (sans à-coups, oscillation ou changement de trajectoire).

La grande majorité des personnes souffrant d’une hémiplégie vasculaire sont confrontés à un déficit moteur du membre supérieur qui se traduit par un niveau de maladresse ou d’impotence plus ou moins sévère. Pour évaluer l’influence de l’accident vasculaire cérébral sur l’habileté manuelle, il existe une quantité considérable d’épreuves. Aucune méthodologie d’évaluation n’obtient à ce jour un large consensus. Néanmoins, si les tests de dextérité manuelle sont nombreux, il semble important de porter attention à un certain nombre de variables pour apprécier le degré de dextérité du patient et mettre en place des stratégies de rééducation adaptées.

Parmi les principales variables de la dextérité, sont à évaluer :

L'amplitude des mouvements

Les conséquences orthopédiques de l’affection sont à l’origine de déformations de la main et de limitations des amplitudes articulaires (orthopédiques et neurologiques) (fig. 1). Elles sont évaluées au moyen de goniomètres digitaux qui mesurent la plage des mouvements passifs et actifs des articulations des doigts.

Figure 1
Main spastique
Défaut de dissociation des doigts

Les troubles du tonus musculaire

La spasticité se manifeste par un certain degré de résistance à l'allongement du muscle en particulier à l’allongement des doigts ou de l’extension du poignet. Les mouvements imposés par la mobilisation passive rencontrent une résistance dont l'intensité s'accroît avec le degré d'étirement, ce qui confère à cette hypertonie un caractère élastique. L’hypertonie discrète est mise en évidence par le signe de Hoffman (flexion réflexe des doigts et du pouce lors du pincement de l’extrémité du médius). Elle a pour conséquences des difficultés à individualiser l’activité des doigts (fig. 1).

La difficulté à produire des gestes coordonnés et précis peut être liée à la présence de dystonies en général d’apparition tardive. Elles se manifestent par des contractions musculaires involontaires dont l’intensité varie en fonction des tâches réalisées et des efforts produits (fig. 2).

Figure 2
Main dystonique post-AVC

La force musculaire

Elle est évaluée de manière globale au moyen de dynamomètres. La mesure de la force maximale de préhension est mesurée par des dynamomètres type dynamomètre Jamar® où il est demandé au patient de serrer les plus fort possible.

La force maximale de l’opposition pouce-index est évaluée par des capteurs de pression.

Le déficit de la force musculaire du membre supérieur peut également être évaluée de manière clinique en utilisant la graduation de 0 à 5 de l’échelle numérique développée par le Medical research council (MRC) (évaluation manuelle de la force musculaire ou testing) qui peut être adaptée aux affections de la voie cortico-spinale.

Le contrôle de la force musculaire

Cette variable de la dextérité manuelle est évaluée par les tests de contrôle du maintien statique (stabilité des prises) et cinématique des mouvements (il s’agit de lire la précision de trajectoires de mouvements balistiques et de pointage du membre supérieur).

La vitesse de répétition de mouvements fins est renseignée par des épreuves comme le Tapping test et les gestes grossiers de la main par des manœuvres de frappe répétées de la main ou battre la mesure.

Les épreuves précédentes permettent d’apprécier la possibilité de maintenir le rythme des mouvements au décours de répétitions prolongées.

La coordination et la précision des gestes

L’observation clinique permet de déceler les syncinésies (globale, de coordination, en miroir), les myoclonies (secousses musculaires) et les tremblements qui désorganisent la réalisation harmonieuse des gestes et leur précision.

Les activités bimanuelles rendent compte de la possibilité de faire agir les deux mains à l’unisson pour produire un geste coordonné. Sans cette possibilité d’utilisation coordonnée des deux mains, le patient tend à conserver une motricité fonctionnelle de type mono-manuelle.

L’altération de la dextérité manuelle peut avoir pour causes des troubles perceptifs ou des fonctions supérieures comme les atteintes de la sensibilité (profonde et/ou superficielle), de la réalisation des gestes simples (apraxie idéomotrice), de séquences gestuelles (apraxie idéatoire) ou de la mise en action des mouvements digitaux de finesse (apraxie mélokinétique).

© J.-P. Bleton

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